Les récentes vagues d’arrestations de journalistes, d’activistes et l’interdiction systématique de manifestations soulèvent des inquiétudes croissantes quant à l’avenir des libertés d’expression et de manifester au Sénégal. Les défenseurs des droits humains s’interrogent : assistons-nous à une tentative de restriction des libertés fondamentales ?
Depuis quelques semaines, les convocations et arrestations se multiplient à une vitesse alarmante. La Division spéciale de la Cybersécurité a mené plusieurs interpellations sans que les motifs ne soient toujours clairs. Parmi les personnes convoquées, le journaliste Cheikh Yérim Seck, connu pour ses interventions, a été interrogé suite à ses révélations dans l’émission « Face à Maïmouna Ndour Faye ». Selon certaines sources, ces convocations seraient liées aux chiffres publiés par Ousmane Sonko lors de son point de presse du 26 septembre.
Le chroniqueur Kader Dia, de Sen TV, a également été arrêté et placé sous retour de parquet. Par ailleurs, Bougane Guèye Dany, leader du mouvement « Gueum Sa Bopp », est attendu à la Cybersécurité pour une audition.
« Le régime actuel s’éloigne des principes démocratiques »
Les interdictions de marches pacifiques, qui deviennent de plus en plus fréquentes, inquiètent également. Babacar Bâ, président du Forum du Justiciable, estime que le régime en place n’est pas sur la bonne voie. « Le droit de manifester est un droit constitutionnel. Si les interdictions se multiplient, cela risque de mener à une confiscation des libertés », a-t-il déclaré.
Il admet que des convocations pour la reddition des comptes sont nécessaires dans une démocratie, mais précise que cela ne doit pas servir d’instrument d’intimidation. « Empêcher les citoyens d’exprimer leurs opinions, c’est inacceptable dans un État de droit », insiste-t-il, ajoutant que la présomption d’innocence doit toujours prévaloir.
Vers la suppression des délits d’opinion ?
Babacar Bâ appelle également à la suppression des délits d’opinion, une recommandation des conventions internationales. « Une opinion ne devrait pas mener en prison. Si une personne tient des propos répréhensibles, il est préférable d’imposer une amende plutôt que d’incarcérer », a-t-il affirmé, évoquant une pratique dépassée dans de nombreux pays.
« Un climat de règlement de comptes »
Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’ONG 3D, est encore plus critique. Il redoute un retour à des pratiques injustes du passé. « Beaucoup de Sénégalais ont le sentiment qu’il s’agit d’un règlement de comptes politique. Nous condamnons fermement ces arrestations en cascade », a-t-il déclaré.
En revanche, Me Baba Diop, avocat à la Cour, adopte une position plus nuancée. Selon lui, il est encore trop tôt pour affirmer qu’il y a confiscation des libertés. « Les enquêtes sont en cours, attendons les décisions de justice pour juger du bien-fondé de ces arrestations », a-t-il précisé, appelant à la prudence avant de tirer des conclusions hâtives.
En résumé, la situation actuelle au Sénégal, marquée par une multiplication des arrestations de journalistes et d’activistes, soulève des interrogations légitimes sur l’état des libertés publiques. La société civile reste en alerte, tandis que les autorités devront démontrer que ces actions ne sont pas des tentatives de restreindre les droits fondamentaux.
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