Le Magal : Reflet d’un Sénégal en Transition entre Tradition et Modernité

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L’islam confrérique au Sénégal : Entre tradition et modernité face aux défis du XXIe siècle

Le Grand Magal de Touba, un événement majeur pour la confrérie mouride, dépasse la simple célébration religieuse. Chaque année, la ville sainte de Touba devient le centre spirituel du Sénégal, attirant des millions de fidèles. Mais cet événement, au-delà de sa dimension religieuse, met en lumière les transformations profondes qui affectent les relations entre l’État sénégalais et l’islam confrérique.

Évolution des confréries sénégalaises : Une adaptation continue

Contrairement à d’autres pays africains où l’islam réformiste gagne du terrain, les confréries sénégalaises maintiennent une influence durable. Cheikh Gueye, secrétaire général du Cadre unitaire de l’islam et expert reconnu, explique ce phénomène par leur capacité d’adaptation. « Les confréries, qui ont diffusé l’islam au XVIIe siècle, restent des acteurs islamiques de premier plan grâce à leur flexibilité », souligne-t-il. Historiquement enracinées dans le monde rural et actives dans l’agriculture, ces confréries ont su accompagner l’urbanisation en s’implantant progressivement dans les villes, investissant dans des secteurs tels que le commerce et les transports.

Une révolution numérique embrassée par les confréries

Leur capacité d’adaptation s’est également manifestée dans le domaine numérique. Aujourd’hui, les confréries sénégalaises explorent l’économie numérique, utilisant Internet et les réseaux sociaux pour leur prosélytisme. Cette transition contraste avec d’autres pays où le discours réformiste ou salafiste domine ces espaces. Le Grand Magal, commémorant la déportation de Cheikh Ahmadou Bamba en 1895, prend une dimension nouvelle dans le contexte actuel de relecture de l’histoire coloniale. Des intellectuels et étudiants panafricains voient désormais Cheikh Ahmadou Bamba comme une figure de résistance à la colonisation.

Renouveau des relations entre l’État et les confréries

L’arrivée au pouvoir d’Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye marque un tournant significatif dans les relations entre l’État et les confréries. Malgré les accusations de « salafisme » à l’encontre de Sonko, le nouveau gouvernement a rapidement noué des liens avec les autorités religieuses. Cheikh Gueye souligne que Sonko et son équipe se sont conformés aux traditions politiques sénégalaises, basées sur une étroite collaboration entre le pouvoir politique et spirituel. Le projet de création d’un ministère du Culte, porté par Sonko, vise à formaliser et institutionnaliser ces relations, rompant ainsi avec le clientélisme et le manque de transparence du passé.

Défis et modernisation des confréries sénégalaises

Les réformes fiscales et foncières envisagées par le nouveau gouvernement posent de nouveaux défis aux confréries, notamment en ce qui concerne les acteurs économiques liés à ces structures. « L’un des défis sera d’assurer que les travailleurs du secteur informel et les entrepreneurs liés aux confréries acceptent de payer les impôts classiques, en plus de financer les organisations religieuses », note Cheikh Gueye.

Touba, la ville sainte des mourides, illustre ces mutations. L’abandon de la police des mœurs par le khalife des mourides montre une prise de conscience des limites du modèle traditionnel face à la croissance démographique. Cette évolution s’accompagne d’une modernisation de la ville, notamment avec la création d’une université islamique moderne, qui collabore avec des institutions européennes et propose des cursus variés.

L’éducation au cœur des mutations

L’éducation est également un terrain où ces changements se manifestent. Les écoles hybrides, qui combinent enseignement classique en français et enseignement arabisant et islamique, connaissent un succès croissant à Dakar et Touba. Cependant, une partie importante de la société sénégalaise n’est pas régie par les prescriptions islamiques, ce qui appelle à un débat ouvert pour trouver un compromis entre les différentes idéologies, religieuses et culturelles.

En conclusion, Cheikh Gueye résume bien la situation : « Entre la laïcité inspirée de la France et le pouvoir des religieux, il existe une large palette de possibilités. » Le futur dira quelle voie le Sénégal empruntera dans cette quête d’équilibre entre tradition et modernité.


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