Le Rôle du Premier Ministre au Sénégal : Une Fonction Sous Influence Historique et Constitutionnelle »

Partager cet article

Le poste de Premier ministre au Sénégal est une fonction complexe, souvent redéfinie par les différents régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance. Inspirée du modèle français de la Constitution de 1958, la Constitution sénégalaise, en vigueur depuis 2001 et révisée en 2016, confère au Premier ministre un rôle clé dans la gestion de la politique nationale. Cependant, l’histoire montre que cette fonction a souvent été révisée, notamment par Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall, tous ayant à un moment ou un autre supprimé et rétabli ce poste stratégique.

Une Fonction Fragile Entre Pouvoir et Servilité

Le Premier ministre, en théorie, dispose de pouvoirs considérables, notamment en matière de coordination des politiques publiques et de gestion de l’administration. Cependant, en pratique, cette fonction a souvent été réduite à une position de subordination extrême face à un président tout-puissant, notamment sous Wade et Macky. Les images des Premiers ministres de ces régimes se pliant aux volontés présidentielles, symbolisent cette dérive.

L’importance Constitutionnelle du Premier Ministre

La révision constitutionnelle de 2016 précise que « le gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier ministre », le rendant responsable à la fois devant le Président et l’Assemblée nationale. Pourtant, les critiques actuelles à l’encontre d’Ousmane Sonko, accusé de gouverner à la place du président Diomaye, ignorent cette disposition constitutionnelle. C’est un rappel nécessaire que l’histoire politique du Sénégal a déjà connu des Premiers ministres aux pouvoirs bien plus étendus, comme Mamadou Dia dans les années 1960.

La Cohabitation Impossible entre Premier Ministre et Président

L’histoire de Mamadou Dia, faussement accusé de tentative de coup d’État par Senghor, illustre bien les tensions inhérentes à cette fonction dans le contexte sénégalais. Senghor, Diouf, Wade et Macky ont tour à tour cherché à éliminer ou à réduire l’influence de leurs Premiers ministres, préférant souvent s’entourer de collaborateurs plus dociles.

Le Cas Spécial de Jean Collin

Personnage influent dans l’appareil d’État sénégalais entre 1960 et 1991, Jean Collin, bien qu’il n’ait jamais occupé officiellement le poste de Premier ministre, est souvent perçu comme ayant été l’homme le plus puissant du pays. Son influence et ses interventions décisives dans la gouvernance sénégalaise démontrent que le pouvoir ne réside pas toujours dans la lettre de la Constitution.

Les Nouveaux Défis pour Sonko et la Fonction de Premier Ministre

Aujourd’hui, le tandem Diomaye-Sonko se retrouve à un tournant décisif. Les critiques fusent, non pas sur la base des compétences ou des décisions prises, mais sur des considérations émotionnelles et crypto-personnelles. Pourtant, tout comme ses prédécesseurs, Sonko agit dans le cadre des prérogatives qui lui sont conférées par la Constitution.

Alors que le Sénégal continue de naviguer dans un paysage politique où le poste de Premier ministre oscille entre pouvoir réel et servitude, il est crucial de se rappeler que la fonction a un rôle déterminant dans l’équilibre des pouvoirs. La suppression ou le maintien de cette fonction ne doit pas se faire sur des considérations politiciennes, mais sur une réflexion profonde quant à l’intérêt national.


Partager cet article