Comme à son habitude, le Premier ministre Ousmane Sonko s’est exprimé sans détour lors de la conférence de presse qu’il a tenue hier avec des membres de son gouvernement. Il a critiqué ouvertement la gouvernance de l’ancien président Macky Sall, accusant certains ministres et personnalités influentes d’avoir falsifié les données économiques présentées aux partenaires étrangers. Ces manœuvres auraient servi à embellir la situation financière du pays.
Cependant, il est légitime de s’interroger sur la suite que le chef du gouvernement donne à ses accusations. Pourquoi, malgré ces déclarations, n’a-t-il pas encore pris des mesures concrètes contre ceux qui ont participé à ces dérives ? En effet, plusieurs figures clefs de l’ancienne administration, accusées d’avoir contribué à ces manipulations, occupent aujourd’hui des postes importants dans l’actuel gouvernement.
Un exemple marquant est celui de Cheikh Diba, actuel ministre des Finances et du Budget. Avant la transition de pouvoir, M. Diba occupait la fonction de directeur de la Programmation budgétaire. Il a collaboré étroitement avec Maguette Niang, alors directeur du Budget. Durant cette période, M. Diba était responsable de l’élaboration des stratégies pluriannuelles de gestion des finances publiques, de la négociation des accords financiers et du contrôle de la conformité des documents budgétaires. Comment expliquer qu’il n’ait jamais dénoncé les irrégularités dont il était témoin ?
Un autre exemple est celui de Mme Oulimata Sarr, sœur de l’économiste Abdourahmane Sarr, qui, malgré son implication dans la gestion économique du pays, n’a jamais contesté les pratiques financières de l’administration de Macky Sall. Elle a d’ailleurs été récompensée en étant nommée à la tête de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).
Face à ces éléments, il est difficile de comprendre pourquoi Ousmane Sonko ne prend pas de sanctions contre ceux qui, accusés de complicité dans ces dérives financières, occupent toujours des postes stratégiques dans son propre gouvernement.
Par ailleurs, le budget du Sénégal a toujours été validé par l’Assemblée nationale durant la présidence de Macky Sall, avec la participation active de Sonko, alors député. Il est donc bien conscient que la loi de règlement budgétaire est votée après approbation par la Cour des comptes. Si les chiffres ont effectivement été falsifiés, cela remettrait également en question la compétence ou l’intégrité des magistrats de cette institution. Cependant, ni Ousmane Sonko, ni son gouvernement n’ont contesté publiquement le travail de cette Cour.
D’ailleurs, le gouvernement actuel a approuvé en Conseil des ministres le projet de loi de Règlement pour 2023. Si les chiffres sont effectivement erronés, cela soulève des interrogations sur la crédibilité de ces décisions.
Enfin, le Président Bassirou Diomaye Faye a récemment déclaré que les audits en cours révèlent une gestion publique marquée par des dérives importantes. Cependant, selon les enquêtes du journal Le Quotidien, ces audits n’avaient pas encore été officiellement soumis à la Cour des comptes au moment de ces déclarations. Cela ne fait qu’ajouter à l’impression de manque de transparence.
Pour renforcer la crédibilité de ses propos, il serait pertinent qu’Ousmane Sonko prenne des mesures claires et visibles, en sanctionnant les personnes impliquées dans ces pratiques, y compris celles encore sous son aile.
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