Par Alioune Ndiaye
Sous le soleil ardent de vos terres natales,
Vous avez quitté vos foyers et vos sentiers d’antan,
Vos cœurs chargés d’espoir, vos mains toujours loyales,
Marchant vers l’inconnu, porteurs de l’éclat du temps.
Dans le fracas des guerres, sous des cieux étrangers,
Vos pas ont résonné sur des sols froids et distants,
Loin de vos champs fertiles et de vos nuits partagées,
Vous avez combattu, vaillants, sous des ordres incessants.
Les tranchées gémissaient sous vos souffles tenaces,
Chaque cri, chaque larme, un tribut pour la paix,
Vos âmes lumineuses, dans l’ombre des menaces,
Ont forgé des victoires que l’Histoire jamais n’oublierait.
Pourtant, vos noms s’effacent dans le vent des mémoires,
Vos luttes demeurent, trop souvent oubliées,
Mais en nos cœurs fidèles, brille encore la gloire,
De vos vies offertes pour des causes éloignées.
Ô tirailleurs d’Afrique, vos voix nous interpellent,
Des héros méconnus, gardiens de notre fierté,
Que vos sacrifices, nobles et éternels,
Nous rappellent à jamais la force de l’unité.
Que ce poème, modeste mais sincère,
Soit un hommage vibrant à votre noble chemin,
Et que vos âmes dansent, dans la lumière claire,
Portées par le respect de vos frères et voisins.
Nos tirailleurs africains, figures emblématiques d’un courage indéfectible et d’un patriotisme exemplaire, incarnent l’âme d’un continent engagé dans les luttes pour la liberté et la dignité humaine. Ces hommes, arrachés à leurs terres, ont combattu sous des drapeaux étrangers, souvent dans des conditions inhumaines, pour défendre des causes qui leur étaient parfois lointaines.
Leur sacrifice, teinté de sueur et de sang, a contribué à écrire les pages de l’histoire mondiale, rappelant que la bravoure transcende les frontières et les différences. Des tranchées glaciales de Verdun aux jungles étouffantes de l’Asie du Sud-Est, leur engagement reste une leçon d’humanité et de résilience.
Mais au-delà de leur contribution militaire, les tirailleurs africains symbolisent la lutte pour la reconnaissance et la justice. Ils ont été les témoins et les victimes d’un système colonial injuste, mais aussi les précurseurs des revendications pour l’égalité et la liberté. Leur combat continue de résonner dans nos mémoires collectives, nous appelant à honorer leur héritage à travers des actions concrètes : la préservation de leur histoire, la reconnaissance de leurs droits et la transmission de leur courage aux générations futures.
En ce jour, rendons hommage à ces héros trop souvent oubliés. Que leur mémoire inspire en nous la quête d’un monde plus juste, où les sacrifices du passé servent de fondation à un avenir empreint de solidarité et de paix. Merci, braves tirailleurs africains, pour votre courage et votre dignité.
Le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, demeure un symbole tragique des injustices coloniales et un tournant historique dans la relation entre la France et ses anciennes colonies. Cet événement soulève des enjeux de vérité historique, de mémoire collective et de justice sociale, qui nécessitent une analyse approfondie et nuancée.
- Contexte du massacre : une injustice systémique
Les tirailleurs sénégalais, issus de plusieurs colonies d’Afrique subsaharienne, avaient été enrôlés de force ou volontairement pour défendre la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Après des années de combat, certains furent faits prisonniers par l’Allemagne nazie dans des conditions inhumaines. À leur libération, ces soldats furent rapatriés en Afrique, notamment à Thiaroye, près de Dakar.
Cependant, à leur retour :
Leurs soldes promises étaient souvent réduites par des pratiques discriminatoires.
Ils faisaient face à des injustices financières (déductions abusives et retards de paiement).
Ils étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, malgré leurs sacrifices au service de la France.
C’est dans ce contexte d’exaspération et de frustration que les tirailleurs se regroupèrent à Thiaroye pour revendiquer leurs droits. - Le déroulement tragique du massacre
Le 1er décembre 1944, au matin, l’armée française ordonne une intervention militaire pour mater ce qu’elle qualifie d’ »insubordination ».
Les soldats français, lourdement armés, ouvrent le feu sur les tirailleurs africains non armés.
Le bilan officiel parle de 35 morts, mais plusieurs témoignages et recherches historiques estiment le nombre de victimes entre 70 et 300.
Les survivants sont arrêtés, jugés par des tribunaux militaires pour « mutinerie » et condamnés à des peines de prison ou de travaux forcés. - Stratégies de dissimulation par la France
Le massacre fut rapidement entouré d’une omerta organisée par l’administration coloniale française :
Censure des médias : L’événement fut minimisé ou présenté comme une réaction légitime à une rébellion armée.
Récit biaisé : Les autorités accusèrent les tirailleurs d’être des « mutins » pour justifier leur répression.
Omission historique : Pendant des décennies, cet épisode fut largement absent des récits officiels et des manuels scolaires. - Rétablir la vérité historique
Rétablir la vérité sur le massacre de Thiaroye implique :
a) Reconnaître les faits historiques
Les tirailleurs ne se révoltaient pas mais réclamaient légitimement leurs droits financiers et humains.
La répression fut planifiée et disproportionnée, marquant une oppression systémique au sein de l’armée coloniale.
b) Assumer la responsabilité étatique
La France doit assumer sa responsabilité morale et juridique dans cet acte, qui s’inscrit dans une longue histoire de violence coloniale.
c) Apporter une justice symbolique et matérielle
Réhabilitation juridique des victimes : annuler les condamnations injustes prononcées contre les survivants.
Réparation financière : indemniser les descendants des victimes.
Hommages officiels : inclure cet événement dans les commémorations nationales. - La mémoire de Thiaroye aujourd’hui
Malgré des décennies de silence, des efforts pour rendre justice à Thiaroye ont émergé :
En 1994, lors du 50e anniversaire, une cérémonie symbolique a eu lieu à Dakar en présence du président sénégalais Abdou Diouf et du président français François Mitterrand.
En 2014, des chercheurs, écrivains et cinéastes, comme Ousmane Sembène dans son film Camp de Thiaroye (1988), ont ravivé le débat public.
En 2019, le président français Emmanuel Macron a reconnu le massacre, bien que des excuses officielles et des réparations soient toujours attendues. - Thiaroye : une leçon universelle
Le massacre des tirailleurs de Thiaroye est bien plus qu’un épisode colonial. Il interpelle sur :
La dignité humaine et la manière dont les anciens combattants doivent être traités
La nécessité de réexaminer les relations postcoloniales pour établir des bases équitables.
L’importance de préserver une mémoire collective en Afrique et en France pour éviter la répétition de telles injustices.
Ce massacre ne peut être réduit à une note de bas de page de l’histoire : il doit être enseigné, commémoré et reconnu comme un symbole de lutte pour la justice sociale et la dignité des peuples africains.
Alioune Ndiaye
Expert en développement international
Écrivain
